mercredi 28 octobre 2015

Modeste contribution au Portrait de Jean-Pierre Voyer Par Yves Tenret




          Il n’est pas Celte du tout, et encore moins Flamand. C’est un Normand, un grand dadais de guerrier blond qui veut se mêler de penser alors que la seule chose qu’il aime, c’est cogner !

   Il est nostalgique d’une forme étriquée de civilisation bourgeoise dans laquelle il s’épanouissait en toute sécurité. Mais le sait-il ? Honnête et grave, il représente les vertus provinciales et la bourgeoisie conservatrice. C’est le Sully Prud’homme de l’ultra-gauche, l’homme du  bon sens. Il voit le monde à travers le Droit ; au fond de lui, il aime l’ordre, la raison, la logique pénale, le contrat que l’on respecte, l’idéologie juridique.

   En même temps, ce lunatique est un quinteux, difficile à gouverner, en révolte contre l’autorité quelle qu’elle soit, rouspéteur qui parle tout seul, anarchique, tout en saccades, un révolutionnaire en peau de lapin, victime de son orgueil et jeté dans une querelle sans fin avec le monde. Les mots sont sa seule religion. Il ne peut rien traduire de non abstrait, de naissant, de germant, de changeant ; il ne comprend ni la cause, ni le mouvement, ni la force, ni le devenir. L’artificiel et le conventionnel lui suffisent.

  Comment quelqu’un qui a une culture 100% livresque pourrait-il comprendre que l’échange est liberté et l’usage, contrainte. Il a des œillères parce que le contact direct avec ses semblables lui manque. Mais Machin a écrit. Mais Truc a dit. Fada des dicos, il prend le mot pour la chose, l’étiquette pour le contenu.

   Il trouve clair l’incompréhensible et abhorre ce qui est profond. Féru de politique, c’est moins une intelligence qu’un tempérament ; peu commode, illogique, incohérent, têtu, boudeur, étriqué, anti ceci et anti cela. La pensée reste chez lui hachée, fragmentaire, respirant mal. C’est un adepte des jugements abrupts, des généralisations hâtives, toujours sans nuances, un as des fausses symétries et des oppositions artificielles. Chez ce matamore pompeux et guindé, l’action n’est que motif à discourir. Il recherche l’effet, n’a qu’une idée et la délaie avec une insupportable prolixité ; il se vautre dans le fatras prétentieux de l’empirisme le plus vulgaire, pataugeant dans sa théodicée chimérique.

    Handicapé de l’empathie, que peut-il comprendre ? Tendu, anguleux et cassant, totalement inapte à l’échange, à la conversation. Autrui lui est interdit parce qu’on ne peut pas intégrer autrui à des activités compulsives. Ce que ses filets lui ramènent, ce sont encore et toujours des esclaves. Et il conceptualise en partant de là sa pauvre petite existence. Il n’aime pas les gens, le peuple qu’il prétend défendre (il le hait, le méprise, en a honte et peur). Il n’aime personne et prétend œuvrer pour le bien de tous. Il n’aime pas la vie ; pour lui, c’est une maladie dont il faut guérir.

     Est-ce cela qui en fait le grand humoriste qu’il est ? Un vrai bon petit Swift ! Spirituel mais être superficiel, à la pensée courte, sans profondeur. Pétrifié dans ses abstractions, il ne pénètre jamais dans le sanctuaire intime de la vie, reste en dehors des choses et même sans doute en dehors de lui-même. Il manque de fantaisie, d’audace, d’élan, confond provocation et pertinence. Il est d’une inculture qui s’ignore, d’une superficialité positiviste, sans aucune profondeur dans les développements éthiques. Son critérium est la richesse matérielle et non la beauté éthique.

   Vert-de-gris, sent le laboratoire, grince comme une poulie, est mécanique, chimique et technologique. Il se déclare contre la part animal de l’homme parce que de cette part, il ne sait qu’en faire. Cet anti-utilitariste crache sur tout ce qui est réellement beau. Anti naturel, rigoureux, sec, âpre, ne possède ni sérénité, ni charme, ni humanité, ni noblesse, ni grâce, ni goût. C’est un laborieux ! Ce grand crétin prend l’apparence pour la chose, la forme pour la substance, la loi pour l’essence. Il met le mal hors de l’homme ! Faiseur, hâbleur médiocre et violent, il pratique un charlatanisme tapageur.

   Il répugne fortement à ce qui est obscur, aux énigmes, aux extases, au mysticisme, aux puissances ténébreuses, aux côtés nocturnes de la conscience, aux mystères, aux rêves, bref, à tout ce qui fait le charme de nos vies.