Opérap
futuriste et Hip-hop anarchiste
DELTRON
3030 - Deltron
3030
Les
Américains sont fantastiques. Ils arrivent à tout nous revendre, y
compris leur propre frustration.
Fatigué
de la société de consommation ? Perdu dans le gros intestin de
son ventre repu ? Ne vous inquiétez pas, des tas d’objets
consommables sont à votre disposition pour assouvir votre
insatisfaction chronique. L’achat sera compulsif, la satiété
provisoire, mais vous aurez eu l’impression – pendant
peut-être de longues secondes – d’avoir
très sincèrement désiré tout foutre en l’air et voulu changer
le monde. On lit Bret Easton Ellis, on mate Fight
Club, on écoute Deltron
3030, et nous voilà redevenus
de dangereux révolutionnaires par procuration, qui déclament sans
faillir que la démocratie américaine est un leurre, que le racisme
est la première religion des États-Unis et que le virtuel fait
disparaître les corps de peur qu’ils ne se désirent.
Vouloir
acheter ce qui ne s’achète pas
Car,
comme l’a écrit un ivrogne notoire, mort de Polynévrite
alcoolique, « à
l’acceptation béate de ce qui existe peut aussi se joindre comme
une même chose la
révolte purement spectaculaire. » Qu’y
a-t-il de pire que de découvrir que consommer ce qui dénonce la
consommation est absurde, que cela ne fait qu’enrichir ceux que
l’on croit combattre et promouvoir un système auquel on prétend
s’opposer – si ce n’est de lire un journaliste cynique qui
feint de s’en amuser pour faire son malin ? Heureusement, ce
genre de remarques désabusées ne fonctionne que pour les créations
ratées, et le grand style, « toujours
orienté vers la nécessité secrète et évidente de la
révolution »,
vient anéantir toute considération fatiguée d’écrivaillons
déprimés. Et du grand style, DELTRON 3030, avec Dan The Automator,
Del Da Funky Homosapien et le petit surdoué de kid Koala, et des
invités aussi prestigieux que Damon Albarn et Sean Lennon, n’en
manque pas.
Extrait
de Chroniques
des années zéro de Frédéric
Gournay
à paraître
prochainement aux éditions de l'Irrémissible