mardi 28 juillet 2020

Théâtre d'ombres (Days in Indonesia)




        Je demande à Wayan et Made ce qu'ils écoutent, s'ils connaissent les Red Hot Chili Peppers, ou alors des musiciens français, c'est une question que je pose systématiquement à l'étranger, dont la réponse me déçoit toujours, le plus souvent c'est non, ou alors c'est Vanessa Paradis, Joe le taxi, Lio, que des merdes, plus exceptionnellement on me cite Gainsbourg. Les Red Hot ? Oui, ils sont très connus en Indonésie, avec leur dernier album qui vient de sortir, One Hot Minute, pourtant pas le meilleur, avec Dave Navarro de Jane's Addiction à la guitare, en remplacement de John Frusciante qui, lui, a sorti il y a trois ans un album solo faramineux, Niandra Lades and Usually Just a T-Shirt, qui me hante et me poursuit. La première écoute de ce disque, seul chez moi, a été l'un des plus grands chocs musicaux de ma vie. Est-ce qu'il y a des concerts de musique traditionnelle sur l'île ? Avec mon oreille endolorie, c'est la seule chose que je me sens capable d'écouter, Wayan de la tête fait signe que non, mais il y a demain soir un spectacle de marionnettes si l'on veut, qui suit toujours la crémation, le Wayang Gulit, le fameux théâtre d'ombres, qui est certainement la forme artistique indonésienne la plus connue à l'étranger. Derrière un drap tendu par un cadre de bambous, assis en tailleur devant une lampe à l'huile, un montreur actionne à l'aide de baguettes et de ficelles des marionnettes en peau de buffle et en bois sur une musique jouée au gamelan, narrant pendant des heures d'ancestrales histoires de luttes du bien contre le mal, de combats rituels entre la vie et la mort. Les Indonésiens connaissent les représentations par cœur – les enfants assis face aux ombres mystérieuses, les adultes de l'autre côté avec le marionnettiste et le musicien –, anticipant les répliques, revivant chaque fois les fables et les drames mis en scène, criant, riant et applaudissant aux rebondissements et aux épilogues du récit. 
    On aurait tort de moquer la naïveté de ce théâtre, en le considérant comme puéril ou primitif. En Occident, il y a bien longtemps que nous ne revivons plus de combats spirituels en représentation, pas plus que nous n'en éprouvons dans notre vie. Si tout pour nous est devenu spectacle en effet, à travers le cinéma, la télévision, l'ordinateur, la magie inquiétante des ombres a disparu de nos écrans ; nous ne savons plus, comme l'a écrit Artaud, que contempler des formes creuses dénuées de toute force : la vie a quitté l'art, de même que la culture n'adhère plus à l'existence. Plus aucun film, plus aucune pièce de théâtre, plus aucun livre n'est en mesure de changer quoi que ce soit. Nous demeurons passifs devant la toile de l'illusion, encore adultes toujours du côté des enfants, à ceci près que nous ne réalisons pas que c'est nous qui sommes les marionnettes, ignorant quel bâton ou quelle ficelle métaphysique nous fait agir comme des pantins et attendant indéfiniment qu'il se passe quelque chose de ce côté de la scène, alors qu'il ne s'y passe plus rien depuis longtemps. Pour les Indonésiens, au contraire, il n'y a pas d'un côté la vie, de l'autre la culture ; la civilisation, pour eux, c'est de l'art qui permet d'exercer la vie.
    Ben s'inquiète du temps que dure le spectacle, Wayan le rassure, ça commence vers 21h, et ça finit au petit matin. Ça dure toute la nuit ? Made acquiesce en souriant. Ben se tourne vers moi, mouais j'sais pas, je me ferais bien un combat de coqs plutôt. Un combat de coqs ? Déjà que les combats de boxe thaï à Bangkok avec lui ne me disait rien, alors des animaux se massacrant devant des hommes pour des jeux d'argent… J'attrape l'Indonesia Times, datant de plusieurs jours, qui traîne sur la table d'à côté. Je le survole à peine, la disparition de Lady Di fait encore la une, plusieurs pages lui sont consacrées, alors que sa mort remonte à plus d'une semaine. On y parle complot, meurtre, services secrets. Un minuscule entrefilet signale le décès de Mère Térésa à Calcutta. Entre une princesse de pacotille lancée à corps perdu dans le charity business pour tromper son désœuvrement et qui, munie de longs gants blancs, n'aura touché la misère que du bout des doigts sans jamais se salir les mains, et une femme albanaise qui aura tout abandonné pour consacrer sa vie entière en Inde à étreindre la pauvreté pour tenter d'en soulager l'infinie souffrance, les médias ont fait leur part. Comment s'en étonner ? Ils préfèrent systématiquement l'image à la chose, le spectacle à la pratique. En ont-ils seulement conscience ? Je n'ose pas imaginer ce que ça doit donner en France, je n'ai appelé personne depuis des semaines.



Extrait de Pars loin l'aventure est infinie
de Frédéric Gournay


mardi 21 juillet 2020

Greece in disgrace (Août à Athènes)




        Je saute sur la rocaille, je fais des incartades entre les pierres, des embardées sous les oliviers, je tente le maquis : rien n'y fait, je ne vois toujours rien, mes échappées ne vont nulle part et me ramènent invariablement, suant et découragé, au courant commun. Je me suis rêvé bouquetin de hautes montagnes, libre et sauvage, partant seul à la conquête de l'empyrée, me voici mouton de Panurge, rattrapé par le troupeau et ses bergers à casquettes ; je dois me rendre à l'amère évidence : je suis un touriste, bêlant, comme les autres ; il n'y a pas de liberté possible, même pour un pèlerin, sur le mont où se sont accomplis la république et la démocratie, le théâtre et la philosophie. Arrivé au sommet, devant le Parthénon envahi par la foule, je ne pense qu'à redescendre ; je fais un effort devant le théâtre de Dionysos, j'ose m'assoir ; ici ont été jouées les pièces d'Eschyle, de Sophocle, d'Euripide et d'Aristophane ; les pierres vont me parler, je vais entendre les échos des anciennes tirades déclamées au creux de l'hémicycle, les applaudissements et les cris d'un public disparu. Rien ne me parvient, que la marche pressée et la rumeur des contemporains.
    Il n'y a ici, pas plus que dans le reste de la ville, traces de Dionysos, de Socrate, de Platon ou d'Aristote. J'ai eu beau cherché dans Athènes, l'Académie, le Lycée, je n'ai rien trouvé, et si j'ai trouvé quelque chose, je n'ai rien vu, de même qu'à Samos je n'ai trouvé nulle trace d'Épicure, mais seulement de Pythagore – les mathématiciens créateurs d'ordres religieux, décidément, l'emporteront toujours sur les créateurs de communautés libres. Suffit-il de revenir dans l'espace pour parcourir le temps ? Ici ont vécu des dieux, cachés parmi les hommes ; des demi-dieux issus d'unions divines et terrestres ; des héros de l'Olympe ; des vainqueurs de jeux olympiques célébrés comme eux ; des conquérants de cités gagnant le pouvoir et la postérité ; des philosophes-rois rêvant de règne et de gouvernement ; des grands penseurs se prenant pour des petits-dieux, ou aspirant à vivre, sur cette terre et dans l'ataraxie, une vie divine. Athènes est une ville, géographiquement et culturellement, écrasée par son histoire, dont elle n'est plus à la hauteur – ce destin n'attend-il pas Paris dans quelques années ? Un Américain devant Notre-Dame n'est-il pas déjà en droit de penser la même chose ? –, les dieux et les philosophes l'ont abandonnée depuis longtemps, ne reste qu'une cité sale et polluée, aux musées mal entretenus, aux galeries poussiéreuses et à demi éclairées, aux fonctionnaires et aux commerçants peu aimables, aux habitants affairés et sans joie, qui ne réservent qu'un accueil mitigé aux touristes sans le sou qui, comme nous, dorment sur les toits ou dans les parcs. Qu'avais-je à espérer ? La déception est à la hauteur de l'attente, vertigineuse, à l'inverse de l'enthousiasme et de la joie qui m'ont soulevé en Turquie. 
    C'est une des leçons du voyage : il ne faut rien attendre, ne pas vouloir prendre, sous peine de rentrer les mains vides ; il faut se disposer, le plus possible, à ne rien vouloir, pour que les choses se donnent. J'attendais tout d'Athènes, elle ne m'a rien offert, pas même un repas et un lit corrects, je n'attendais rien d'Istanbul, à part de superficielles confirmations d'un vague fantasme oriental, et elle m'a tout donné. L'autre leçon du voyage, c'est qu'il faut, du mieux que l'on peut, éviter de comparer les villes et les pays. Je retrouve Patrice et Paul devant l'Odéon de Périclès, peu avant la sortie, je ne suis pas le seul à être assommé par le flot de touristes et le soleil, le silence entre nous est édifiant.


Extrait de Pars loin l'aventure est infinie
de Frédéric Gournay


mardi 14 juillet 2020

Aya Sophia (Holidays in Istanbul)




        Le guichet passé, je presse le pas pour être le premier à pénétrer dans celle qu'on appelait jadis Sainte-Sophie. Est-ce la coupole qui culmine à soixante mètres de haut ? Ses quarante ouvertures qui laissent entrer la lumière et que redoublent des lustres descendus à hauteur d'homme ? Le jeu du clair-obscur de la salle de prière et des galeries ? Les boucliers d'Allah, de Mahomet et des quatre premiers califes qui protègent de leur ombre le Christ Pantocrator, la Vierge Marie, Saint Jean-Baptiste, Constantin et Justinien ? Rien ne m'avait préparé à un tel choc. Piliers grecs du temple d'Artémis, mihrab doré, chandeliers de Soliman le Magnifique, colonnes de porphyre rouge d'Egypte, marbre vert de Thessalie, albâtre de Pergame, pierre noire du Bosphore, pierre jaune de Syrie, bronze des portes sculptées, or des mosaïques : ce n'est pas la richesse de l'Histoire qui me tombe dessus d'un coup, mais l'épaisseur du temps lui-même. Il y a donc quelque chose qui dépasse non seulement la simple condition de mortel, mais aussi celle des lignées, des cultures, des religions et des civilisations ? En ces lieux ont retentis, depuis un autel en or massif ou du haut d'une chaire de bois précieux, la sagesse des anciens, l'enseignement des textes juifs, la parole de Jésus, les sourates du Prophète Mahomet, basilique transformée en mosquée et devenue musée laïque en l'honneur d'une révolution faite – à toute vapeur – au nom de la science et de la raison.
    L'édifice a résisté aux invasions barbares, aux pillages, aux incendies, aux secousses sismiques et à tous les soubresauts du pouvoir temporel, construit il y a mille-cinq-cents ans par dix mille ouvriers en moins de six années. Ce n'est pas à l'école, encore moins au catéchisme, que j'aurais pu apprendre le destin hors du commun de cette ville appelée autrefois Byzance puis Constantinople, et pour cause : s'élevant à la jonction de plusieurs mondes, gréco-romain, chrétien, orthodoxe, catholique et musulman – survivant à l'antiquité et au moyen-âge –, incarnant pendant presque mille ans une certaine idée du cosmopolitisme et de l'universalisme, la cité n'a vu le début de sa fin advenir que par la mise à sac qu'en firent les Croisés en 1204 siècle, brisant l'Empire Orthodoxe en trois parties et sonnant leur glas respectif, et non pas à cause des Ottomans – comme on le croit trop souvent – qui ne firent que ramasser au sol ce qui était tombé.
    Demeure Aya Sophia qui a survécu à tout, y compris au flux incessant de touristes dont je fais malgré tout parti, le Guide Bleu à la main, et qui me sidère par l'énormité d'espaces et de temporalités qu'elle contient. Je lève les yeux au-dessus de la porte impériale, Jésus, Glorieux dans une clarté d'or sans partage, donne de la main droite la bénédiction et de la gauche tient une Bible ouverte où est écrit La paix soit avec vous, Je suis la lumière du monde. À l'extérieur, le chant du muezzin retentit et c'est l'épiphanie : le temps, après m'avoir écrasé, s'est arrêté, comme suspendu, dans un éclat d'éternité. Je sens que quelque chose se joue là et dont j'aurai à rendre compte toute ma vie. Le nom de la basilique ne pèse-t-il pas aussi de tout son poids symbolique ? Je suis au cœur de la sagesse sacrée, véritable traduction d'Aya Sophia – aucune sainte ne s'ayant appelée Sophie sous Constantin, Mehmed II ou Atatürk. Quel hommage devrais-je rendre à la sagesse ? Cette année je me suis inscrit en philosophie à la Sorbonne, pour l'amour de la sagesse ou la sagesse de l'amour, disant adieu au dessin et à la peinture, abandonnant crayons, pinceaux, tubes et palette à Ben et à Pierre. Je me suis fait, à ma façon, l'iconoclaste de mon art et de mes créations, comme les Chrétiens d'Orient pendant des siècles, comme les Musulmans, les Juifs et les Protestants un peu partout dans le monde – n'y a-t-il que les Catholiques pour tenir à ce point aux images et aux idoles ? – ne voulant plus désormais simplement représenter la vérité mais l'incarner, autant que possible, dans mon corps et mon esprit.
    Ce n'est pas parce que l'on ne croit plus en Dieu qu'il faut décréter avec autant d'assurance – comme beaucoup de mes amis et nombre de personnes de ma génération, avec le même manque étonnant de preuves que les croyants – que la vie n'a pas de sens. Je me doute que je vais me couper de pas mal de relations à la rentrée, que des soirées se feront sans moi. Quelle importance ? J'ai le sens de la sédition, me tenir à l'écart des groupes ne me pose aucun problème, j'ai même un don pour ça. Autour de moi, les visiteurs se pressent et se poussent, prenant des photos et posant. Je n'ai pas d'appareil, à quoi me servirait-il ? Il est temps de partir, j'aimerais découvrir la Mosquée Bleue, sise juste en face, où les seules peintures admises sont les versets calligraphiés du Coran. Quelle révélation va-t-elle me réserver ? J'attendrai que la prière se termine pour pouvoir y entrer.


Inédit de Frédéric Gournay


mardi 7 juillet 2020

Thanatos à la technique (Un été à Berlin)




          Ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est pourquoi Ben demeure à ce point attiré par une mise en scène spectaculaire de la mort, comme tant d'autres, et si peu concerné, à défaut d'être ému, par l'évocation seulement abstraite de la disparition de millions de personnes. Comme si la preuve, la chose vue ou son image l'emportaient définitivement sur le simple témoignage et la parole donnée. Faut-il en déduire qu'au fond, ils n'y croient pas, à cette mort ? Qu'il leur faut, à ces incrédules de la disparition, toujours plus de morts en représentation : assassinats en rafales au cinéma, serials killers en séries, films d'horreur en location, crimes sordides à la une des journaux, exécutions ou morts en direct sur Internet. Pourtant, l'autre vérité du génocide, révélée dans un raccourci aussi fulgurant que tragique, est bien celle-là : nous allons tous mourir, les uns après les autres, personne ne s'en sortira vivant. Il y a une différence entre savoir et croire, une plus grande entre croire et être convaincu, et une plus grande encore entre être convaincu et en faire l'expérience. Oh bien sûr, la plupart savent qu'ils vont mourir, on leur a dit, ils sont au courant ; ils ont vu des proches disparaître, ou eux-mêmes sont passés, accident ou maladie, plus ou moins près de la mort, mais ils continuent de vivre comme si de rien n'était. Chacun, persuadé d'être le seul à vivre réellement et que la mort est pour les autres, repousse sans cesse la certitude de sa propre disparition dans un avenir imprévisible par nature : d'imprévisible la mort devient improbable, d'improbable elle se fait invraisemblable, d’invraisemblable elle s'affirme impossible. La mort, la grande absente de leur vie, qui fait qu'ils paraissent si souvent absents à leur propre existence, passant à côté, enchaînant les erreurs et les égarements sans même réagir.
        On prétend que les animaux n'ont aucune conscience de la mort, qu'en savons-nous ? C'est l'homme, plutôt, qui n'en a aucun instinct, ou s'il le perd, c'est lui qui redevient une bête : ne reste que la satisfaction immédiate des besoins les plus élémentaires, la recherche infinie des plaisirs et l'évitement empressé des souffrances, avec pour l'être humain ce petit supplément de conscience qui le différencie – à peine – de l'animal et qui lui révèle l'impératif angoissé du profite avant qu'il ne soit trop tard : le carpe diem borné de Ben. Il s'est toujours cru à part, il l'est par bien des côtés, mais s'il savait de ce point de vue-là comme il s'avère affreusement banal, obnubilé qu'il est par la chose, l'objet, la matière, le détail : fluides séminaux et merde en premiers, obsédé sexuel virant sans cesse au scato : faisant de tout objet du désir un fétiche et de l'argent le fétiche des fétiches. L'argent et le cul ! Pour quoi d'autre devrions-nous exister ? semblent se demander certains et en effet, Ben se le demande souvent. À ne pas saisir le pourquoi, on se fascine pour le comment. Dépourvu d'être, on se rue sur l'avoir. D'où un attrait jamais démenti de Ben, à demi-avoué, jamais complètement assumé, pour la maîtrise et l'acquisition, la technique et la puissance.
     Comment ne pas y voir le destin du monde ? Ce qui chez lui n'est que respect pour la performance et la réussite, goût prononcé pour les gadgets numériques et les grosses cylindrées, se traduit chez ses contemporains allemands en véritable religion de l'entreprise, du travail et du résultat – critère ultime de tout avec comme sainte trinité la Bundesbank, Mercedes-Benz et le Bayern de Munich. Mais ce qui n'est chez les Allemands qu'une survivance d'un vieux fond protestant de bon aloi, faisant de tout métier une vocation et de toute réussite le signe d'une élection divine, la providence récompensant ici-bas l'effort et la vertu, se transforme au niveau mondial en une déification jusque là inédite du calcul et de l'économie qui accomplit, des États-Unis à la Russie, de l'Europe à la Chine, de l'Égypte à Israël, de Rome à la Judée une universalité à laquelle même le Dieu du Livre n'est jamais parvenu. Cette nouvelle divinité ne mérite-t-elle pas, comme telle, d'être adorée et louée ? La Finance ne réussit-elle pas là où toutes les religions et les idéologies ont échoué jusqu'à présent, à savoir l'exploit de transformer chaque nouveau converti en salarié-consommateur-pacifié qui, s'il ne veut pas nécessairement le bonheur de son prochain comme pour lui-même, entend ne plus suivre ni guerre ni passion pour aucune idée, mais désire simplement retrouver son confort personnel où, après un quotidien de travail dont la finalité lui échappe en partie ou complètement, il pourra enfin devant son écran – l'estomac dûment rempli et les organes génitaux promptement vidés – jouir de la vie comme d'un grand sommeil, loin des cauchemars de l'Histoire dont il faudrait se réveiller. A-t-on jamais eu une histoire ? Le révisionnisme, comme la barbarie, commence à la maison. L'individu qui n'a pas conscience de sa mort n'aura jamais aucune idée de ce que peut être un destin : à force de nier son histoire mortelle, il finira par nier la mort dans l'Histoire.




Extrait de Pars loin l'aventure est infinie
de Frédéric Gournay