Hagard
au milieu des arbres et des bancs, cherchant inutilement un endroit
où se poser, se reposer. Chaque pensée rebondit vainement sur
l’écorce démultipliée des platanes dispersés. Fatigue
incommensurable, sentiment familier de totale vacuité, de vacuité
intime jusqu’à la perversion. Comme un trou dans un tronc, une
béance sans nom à la place du thorax. La métaphore de la perdition
dans la forêt se dévoile : chaque arbre est un obstacle au
regard, au sens de la direction, à la perspective. Plus à l’aise
en plein désert. Rien ici ne peut offrir de prises : pas un
lien, une accroche ou de repère possible. La diversion ? le
divertissement ? la consolation ? Regarder en face, sans
trembler, le vide au-dessous de ses pieds. Pas de bar, de fille ou
d’ami capable de recouvrir ça. Plusieurs égarements de plus, des
heures d’errances de trop, subterfuges inutiles, on ne vient pas à
bout de la lassitude par la fatigue. Avoir le courage de cette
faiblesse, la bravoure de son abandon. Tout est dénué de sens et
sans conséquence, porter ses brillantes conclusions à leur ultime
déduction : cet aplomb désespéré est, lui aussi, absurde.
Redevenir léger, sensible, prendre la gratuité pour une richesse,
le renoncement pour de la révolte, le détachement pour une
libération. Faire, sans le savoir, l’expérience du nihilisme.
Extraits du recueil Futurs contingents
paru aux éditions de L'irrémissible