mercredi 30 mars 2016

Jusqu'au bout -1 -




        Hagard au milieu des arbres et des bancs, cherchant inutilement un endroit où se poser, se reposer. Chaque pensée rebondit vainement sur l’écorce démultipliée des platanes dispersés. Fatigue incommensurable, sentiment familier de totale vacuité, de vacuité intime jusqu’à la perversion. Comme un trou dans un tronc, une béance sans nom à la place du thorax. La métaphore de la perdition dans la forêt se dévoile : chaque arbre est un obstacle au regard, au sens de la direction, à la perspective. Plus à l’aise en plein désert. Rien ici ne peut offrir de prises : pas un lien, une accroche ou de repère possible. La diversion ? le divertissement ? la consolation ? Regarder en face, sans trembler, le vide au-dessous de ses pieds. Pas de bar, de fille ou d’ami capable de recouvrir ça. Plusieurs égarements de plus, des heures d’errances de trop, subterfuges inutiles, on ne vient pas à bout de la lassitude par la fatigue. Avoir le courage de cette faiblesse, la bravoure de son abandon. Tout est dénué de sens et sans conséquence, porter ses brillantes conclusions à leur ultime déduction : cet aplomb désespéré est, lui aussi, absurde. Redevenir léger, sensible, prendre la gratuité pour une richesse, le renoncement pour de la révolte, le détachement pour une libération. Faire, sans le savoir, l’expérience du nihilisme.




Extraits du recueil Futurs contingents
paru aux éditions de L'irrémissible