mardi 3 mars 2020

Voyage au pays des arsouilles polygraphes





    Cela fait au moins 15 jours que je médite sur cette question : ces Minc, ces Attali, BHL ou Bourseiller, comment font-ils pour survivre à la révélation publique de leurs plagiats, du côté bâclé de leurs pseudo enquêtes, de leurs mensonges ?
En fait, la réponse est simple : ils s’en foutent complètement. Pour eux, dans cette activité, l’écriture et sa publication, il n’y a aucun enjeu. Leur pouvoir est ailleurs. Nous, nous y mettons tout, eux, ils n’y mettent rien. Juste, ils chantent la gloire de ce qui nous domine et ce qui nous domine le leur rend bien en les invitant à pérorer à l’image, sur les ondes et par écrit dans tout ce qui existe de quotidien, d’hebdomadaire et de mensuel présents sur la place publique.
Ernst Jünger ayant signalé que plusieurs passages de son Essai sur le temps avaient été recopiés tel quel dans l’un de ses opuscules, pris la main dans le sac, ce petit voyou d’Attali, ne s’est pas dégonflé, et a répondu : Je ne compte pas mes emprunts, je les pèse. Vous savez tous que BHL raconte qu’il a rencontré Massoud en 1981 alors que ce n’est qu’en 1998 qu’il l’a rencontré pour la première fois et qu’il s’est aussi fait piéger par une grossière potacherie de Frédéric Pagès à propos de la supposée vie sexuelle d’Emmanuel Kant.
Minc, commet un ouvrage sur Spinoza, constellé d’emprunts massifs au Spinoza, le masque de la sagesse, de Patrick Rödel. En 2001, le Tribunal de Grande Instance de Paris le condamne pour ces emprunts allant de la reproduction servile d’expressions au plagiat de l’économie générale des passages en passant par la reprise des mêmes citations ou des mêmes anachronismes. Entre autres, et là c’est génial, la lettre d’un ami donnant à Spinoza la recette de la confiture de roses rouges, cette lettre étant fictive. C’était justement une ruse de Rödel pour piéger les plagiaires !!! La note est salée : 100 000 francs qu’éditeur et pseudo auteur ont été condamnés à payer solidairement. 12 ans plus tard, il remet ça ! En juillet 2013, il est reconnu coupable d’avoir à nouveau emprunté  dans son dernier livre pas moins de 47 passages à l’ouvrage sur René Bousquet de l’historienne Pascale Froment. 
30, 40, 50 emprunts ! Et vas-y que je te fais les poches ! Pourquoi se gêner ?
Et enfin, ce n’est pas tout-à-fait la même chose mais c’est quand même la même chose, il s’avère que par hasard et comme sans le vouloir, dans une émission de radio que j’anime, j’ai renouvelé l’exploit de Gérard Guégan en mouchant l’un des biographes de Guy Debord, le dénommé Christophe Bourseiller.
Ce pisse-copies graphomane a publié au minimum 30 livres traitant très souvent de militantisme politique, syndical, féministe, franc-maçon, extrême et même débile dans le cas de Carlos Castanedas.
En 1999, dans une émission de télé d'Ardisson, Guégan révèle qu’il lui a raconté qu’une poignée d’ultragauchistes s’était réunie à Ribieran pour y annoncer la naissance des Éditions Champ-Libres. Las ! Le bled n’existe pas et la réunion non plus. La démonstration est faite : Bourseiller ne vérifie rien, croit ce qu’on lui dit, n’est rien d’autre qu’une piètre baudruche qui phantasme une vie ou des vies auxquelles il n’a et n’aura jamais accès.
Rebelote. En 2017, les Éditions du Lombard publient une bd intitulée Les Situationnistes
dont il est le scénariste et notre échange en direct à son sujet donne à peu près ceci :

C. Bourseiller : - Il y a une ressemblance indéniable entre le Pop art et l’esthétique situationniste.
Y. Tenret : - Oui, Debord pensait que parmi les nombreuses concepts qu’il avait inventés, il avait aussi le Pop art.
C.B. : - J’ai essayé d’écrire une histoire des situationnistes la moins passionnée possible, de bien poser les choses, en me disant : je m’adresse à des gens qui ont 18-20 ans, en lisant une bd, ils vont découvrir l’un des mouvements les plus intéressants du XXe siècle.
Y.T. : - Étant un peu déçu par ce petit livre, j’ai demandé l’avis de l’un des participants au Scandale de Strasbourg. Il regrette, m’a-t-il écrit, la panthéonisation de Debord qui y est pratiquée. Et c’est bizarre, parce que vous-même dans Archives & documents situationnistes, vous aviez réalisé une interview de Gérard Béréby qui y critiquait la personnalisation du mouvement autour de la personne de Debord. Et moi, ce que j’aime, c’est tout le mouvement, l’ensemble de ces gens. Je suis donc partisan d’en faire l’histoire contre Debord.
C.B. : - C’est comme si on disait : - J’aime les surréalistes contre Breton.
Y.T. : - Étant plutôt dadaïste, je ne tiens pas à intervenir dans les querelles internes propres au mouvement surréaliste. L’idée, c’est le groupe comme œuvre d’art ! Dans votre ouvrage, il n’y a ni Jorn, ni Vienet, ni Riesel, ni Vaneigem, le biographe de Debord a tout emporté.
C.B. : - Oui, mais vous présentez l’I. S. comme un groupe de Free Jazz alors qu’il s’agissait d’une formation classique avec son chef d’orchestre.
Y.T. : Eux l’ont plutôt vécu comme étant du Free Jazz, une conjuration des égaux et je ne suis pas du tout convaincu par la ligne que vous avez adoptée. Il manque dans votre livre le flux de la vie. Oui, c’est ça : vous muséifiez tout ce que vous touchez...



Yves Tenret



Dernier ouvrage paru: L'année de tous les baisers