Tentant le mariage du texte et de la musique, du phrasé et des machines, le guitariste de Noir Désir échoue lourdement là où le groupe Programme avait magnifiquement réussi.
Un
premier album solo il y a quelques années nous avait agréablement
surpris, le second sorti ces jours-ci suscite la perplexité, voire
l’indignation. La rencontre entre l’auteur Georges Hyvernaud et
Serge Tessot-Gay n’aboutit qu’à un ratage manifeste où le texte
littéraire ne rencontre jamais la musique et où celle-ci ne sert au
mieux que d’illustration sonore à une diction d’une rare
prétention. D’inspiration situ
mi-Debord/sous-Céline (où l’on retrouve la même obsession
hygiéniste pour « la
merde »,
répétée à l’envi), la voix déclame ses observations et ses
sentences sur la société mortifère ou se complaît dans des
descriptions de camps dont à tort « on
croit qu’on en est sorti. »
Les machines peu courageuses et les guitares archéotypées ne
réussissent pas, hélas, à faire décoller la froide colère et la
révolte des mots. Au nihilisme facile se mêle un brin de démagogie
qui n’arrange rien (« tout
est vide et mort »
ou encore « tout
le monde est dans le coup » – Eh
Sergio, tout le monde ne travaille pas pour Universal…) Tessot-Gay
se contente trop souvent de décliner toutes les facilités
indus
et retombe avec ses accords dans l’inutile, entraînant avec lui
dans sa chute le texte. Pour un sujet aussi grave, on ne peut
qu’avoir honte pour lui d’avoir osé un disque aussi anecdotique.
Parler des camps et faire de la musique sur l’horreur est, on en
convient, est exercice délicat. On lui préférera sans hésiter
l’inouï Mon
cerveau dans ma bouche
de Programme sorti il y a quelques mois chez Lithium.
Extrait de Chroniques des années zéro, de Frédéric Gournay
recueil d'articles publiés sur le net, à paraître prochainement
aux éditions de L'irrémissible